Dans le Monde du 03.01.07 notre éminent confrère appuyait son analyse du rapport sur la mortalité maternelle (Ministère de la Santé) par cette phrase définitive « Chaque quart d’heure compte en cas d’hémorragies »… Surement… ! Les praticiens, sur des sites isolés, en savent quelque chose. C’est le service transférant qui a la responsabilité civile et pénale en cas de décès.

A) La césarienne est la première cause d’hémorragie du post-partum, surtout quand elle est réalisée dans l’urgence (mais aussi les coagulopathies favorisées par la césarienne). On doit s’interroger sur les causes de l’inflation des césariennes. Elles atteignent 30 % dans certaines maternités et non des moindres.

– les sièges accouchent exceptionnellement par voie basse. Cette attitude systématique a été quasiment adoptée dans la décennie 1980 sur le critère d’une surmorbidité néonatale. Les praticiens auraient perdu la main dans les pays « développés » alors qu’en Europe les pays « pauvres » (Yougoslavie, Roumanie, Bulgarie) possèderaient une grande expérience de la voie basse. Ils enregistrent moins de mortalité et morbidité néonatales, se retrouvant ainsi dans le même groupe de qualité que la Suisse ou le Canada selon les normes de l’O.M.S. (1). L’intervention des sages-femmes y est aussi beaucoup plus fréquente nous dit-on.

S’agissant de l’accouchement du siège, l’analyse des dernières enquêtes permet d’être optimiste quant à la voie basse (2). Cette problématique repose plus sur la présence d’une équipe entraînée que sur le choix de la voie d’extraction (3).
Là encore se pose la question du pays dans lequel s’est faite l’étude, de sa politique de santé et d’accès aux soins. La Hollande, avec un taux de 11 % de césariennes/an pour la totalité des naissances, la voie basse est majoritaire. Aux U.S.A. la voie haute est systématique (4) avec un petit bémol depuis 2006. (2)

B) – Le taux des déclenchements est évalué à 25 % des accouchements en France et conduit jusqu’à 10 % des césariennes dans l’urgence pour hypercinésie utérine, RCF perturbé, liquide méconial (5) (6). Hors raison médicale et « par principe » – 31,7 % des praticiens déclenchent selon les arguments suivants :
– Eloignement du lieu de naissance lié à une réduction des maternités. On ne renvoie pas à domicile, un « faux travail », s’il y a 40 à 50 km (aller) à parcourir, on déclenche !
– Petits dépassements de terme et liquide amniotique « possiblement teinté » dont la multiplicité des
déplacements pour la surveillance crée des problèmes.
– Impératifs économiques du week-end et autres (7)-(8).
– Surveillance d’une grossesse à risque hospitalisée qui sera déclenchée, faute de lits disponibles dans les prévisions de naissances à venir : compression, restructuration.
– Les convenances personnelles (week-end, vacances, accouchements aux heures ouvrables) (7).
– Enfin, avoir à l’esprit que l’embolie amniotique serait favorisée par les déclenchements (8).

I) – les autres causes identifiées mortelles de la césarienne sont :
– Problème cardio-vasculaire per anesthésique révélant une cardiopathie non diagnostiquée.
– Embolies pulmonaires.
– Les péritonites et infections nosocomiales.  Ces dernières sont plus fréquentes après césarienne et se rencontrent le plus souvent dans les grandes structures à architecture verticale (gaines techniques, climatisation qui cheminent à travers de nombreux services, et parfois, d’infectiologie) que dans les hôpitaux pavillonnaires. Ce n’est pas une révélation, les hygiénistes du siècle dernier enseignaient sans relâche que « les infections nosocomiales sont proportionnelles au nombre de soignants et soignés sur un même site. »

II) La mortalité maternelle : les autres causes reconnues :

A) L’âge maternel pour 1/3 des décès : les mamans avaient plus de 35 ans. Quelle information est faite auprès des femmes pour les inciter à débuter leur grossesse plus tôt ?

B) Les conditions socio-économiques et religieuses représentent un pourcentage non négligeable. La région Ile de France (I.d.F) présente une surmortalité maternelle de 50 % par rapport au reste de la France. Une des causes, d’après Jean Legrand (Démographe APRD – SORBONNE 2007), serait le taux important de naissances d’enfants issus de deux parents en situation irrégulière : mère sans surveillance obstétricale pour des raisons d’ordre financier, éthique, et/ou religieux (la mortalité maternelle serait multipliée par 44 chez les Témoins de Jéhovah en cas d’hémorragies – B. Carbonne). En 2004, 35,8 % des naissances d’I.d.F ont deux procréateurs étrangers (INSEE 2005), en Seine Saint Denis 55 % contre 11 % en moyenne nationale. La précarité croissante doit être dénoncée et pas seulement chez les migrants. La moitié des sites de naissance ont disparu dans cette région.

C) Les suites mortelles d’I.V.G. sont devenues rarissimes, leur prise en charge doit s’améliorer. Il n’est pas certain que l’I.V.G. ambulatoire, privée, soit une bonne solution. En raison des infections et hémorragies par rétention de tissus embryonnaires.

D) L’obésité pathologique :

– L’obésité intervient de plus en plus dans les causes de décès (réf. A numéroté xxxx) obésité morbide (IMC > 40) ou la superobésité (IMC > 55). Le taux de césariennes est multiplié par trois par rapport à une population témoin. Toutes les complications obstétricales et post-opératoires sont en surnombre. 60 % des femmes accouchant par césarienne dont 66 % sont réalisées en urgence (xx). Tout est difficile, l’anesthésie générale – l’intubation – la péridurale – et même parfois la prise de tension artérielle, le tour du brassard inadéquat !
– 35 % des décès maternels surviennent chez les patientes dont 50 % de plus que la population normale.
– Le risque hémorragique à un O.R. à 1,7 il est corrélé de façon linéaire à l’obésité qui elle croît de 5,7 % par an.
– Quelle politique de santé efficace est-elle mise en place, quand seuls 7 CHU sont dédiés à ces femmes ? Quelle prévention possible pour un tiers de la population féminine en âge de procréer est éloignée d’une équipe multidisciplinaire indispensable ?

E) Le retour précoce à domicile, après accouchement par voie basse et surtout césarienne, ne permet pas de repérer les pathologies à manifestation retardée : phlébites, infection, hypertension (10) mais aussi psychose dont le risque suicidaire et d’infanticide est de 2 à 5 %.
 En Grande-Bretagne les psychoses puerpérales représentaient 30 % des décès périnataux (11). Rappelons qu’à Londres une maman dont l’accouchement n’a posé aucun problème, regagne son domicile avant la 24ème heure ! On ne peut manquer de rapprocher ce problème de séjour hospitalier et de la disparition de 2/3 des maternités françaises depuis 20 ans en raison d’une politique économique de santé. Or, l’enveloppe nationale maternité ne représente guère que 5 à 6 % du budget de la Sécurité Sociale.
Les mesures proposées par le Ministère qu’est l’hospitalisation à domicile dans le post-partum, sont notoirement insuffisantes.

F) Les maternités à mortalité maternelle n’ont pas été relevées. La confidentialité de l’enquête était destinée à mieux recueillir les données. L’I.d .F a été repérée par les démographes de l’INSEE, pour le reste du territoire, nous n’avons pas de précisions : petite ou grande maternité, privée ou publique ?

On pourrait se référer, avec prudence, au dernier rapport de CNAMTS (1993 !), établissant que la mortalité maternelle était de 40 % supérieure dans les structures effectuant plus de 1500 accouchements/an, c’est-à-dire dans les maternités où naissent plus des deux tiers des enfants de l’hexagone.
Un autre rapport, celui de la CRAM Rhône-Alpes (oct. 1993), signalait qu’il valait mieux naître dans une petite structure qu’une grande quand l’accouchement était prédit normal, (85 % des naissances en France) car la surveillance de proximité était mieux assurée et, la médicalisation de la naissance moins lourde.

On en peut qu’apporter notre accord à ce terrible aphorisme de Gérard LEVY « chaque quart d’heure compte en cas d’hémorragie maternelle à la naissance ». (70 % des morts maternelles seraient évitables). Peut-on penser que notre éminent professeur, en avalisant la fermeture de nombreux sites de naissances, s’était référé à l’INSEE qui disait que « chaque femme enceinte en France était à 13 km d’un Hôpital … à vol d’oiseau ».

Il faudra alors m’expliquer comment font les gestantes de la Haute Corse, de la Creuse, du Gers, de la Haute Loire, de la Haute Saône, la Lozère, des Pyrénées Orientales, du Tarn et Garonne : départements où on ne peut accoucher qu’au chef-lieu !! ??
On n’arrête pas le progrès, ni la progression de la mortalité maternelle et néonatale en réduisant l’accès aux soins, aux MATERNITES.

vous avez raison gérard lévy

Coutances le 16 juillet 2007

 

Bibliographie

– 1 Gabriel R, Gyn Ob. 2001 ; 434-435 : 12-13
– 2 Hannah MF et coll. Am. J. Obstét.Gynecol. 2004 ; 191. 917/927.
– 3 Orion V et coll ; Por. J. Obstet. Gynecol. 1998 ; 105/71 : 710-717
– 4 Nosano I, Lettre Gyneco 2000 ; 257 : 51-52.
– 5 Goffinet F. J. Gynecol. Obstet Biol Reprod. 1995 ; 245 : 108-16
– 6 Desbowes Bertrand I. Doss. Obst. 2000 ; 282 : 36-40.
– 7 Ossart J. Dossier Obst. 1995 ; 234 : 2.
– 8 Debrun et Col. Ref. Gyn Obst. 1994.
– 9 Kromer S et Coll. Laucet 2006 ; 368 : 1444-8.
– 10 In Shilian et Col. Am. J. Obstet Gynecol 2002, 187: 681-687.
– 11 Dayan J. : Réunion EPU du CHU Caen – Juin 2007 Publication à paraître dans le J. Gyneco obst. Biolo et Reproduction.